Une image vaut mille mots
Tous les jours depuis des semaines
Je me retrouve devant le même miroir
Dans la réflexion, je décortique mes facettes
Ces facettes valent-elles assez?
Méritent-elles peut-être même une sorte d’amour?
Avec le journal de 20 heures vient la boule de démolition
Qui me frappe à mort
Sournoisement par-derrière
Comme un couteau planté dans le dos
Pendant que je te regarde droit dans tes yeux bleus glacés
Sur ton piédestal, devant ta petite maison blanche
Je respire profondément dans mon ventre
Les lettres alignées, je sais les associer et combiner
Dans ma tension, malsaine et compulsive
La douleur s’étend, conquiert centimètre par centimètre
Chaque fois que ma cage thoracique demande une dilatation
Aussi minime soit-elle
Chaque fois que l’air pénètre dans mon corps
Que l’oxygène passe dans mon sang
Et me maintient en vie
Exactement dans ces moments
La souffrance est telle
Que je supplie Dieu, l’univers ou je ne sais quoi
Que je puisse m’arrêter
M’arrêter de chercher de l’oxygène dans cet air empesté
Quelques secondes
Quelques heures
Ou même toute une vie
Ça te plaît, hein?
Tu le savoures qu’ à cause de toi
Ou grâce à toi, Narcisse
Que je veux abandonner
Ou tu t’en fous
Tu demeures dans l’indifférence face à mon épouvantable horreur
Car je ne suis pas censé d’exister
Sur la liste, la disparition est déjà devenu réalité
Mais réalité et vérité ne sont pas toujours synonymes
De ton intelligence et de la présence de tout sens commun
Je ne doute plus seulement par instants
Par contre, je suppose que tu comprendras le suivant
Si je ne respirais pas
Si je ne cherchais pas de l’oxygène dans cet air empesté
Je n’écrirais pas
Je ne parlerais pas
Je ne hurlerais pas
Ecrire, c’est hurler sans bruit
Il se peut que d’après toi
Je suis privée du droit d’avoir une vie
Mais je me tiens ici
Et j’existe
Nous sommes des activistes
Nous sommes opposés au racisme
Nous sommes autistes
Nous sommes des POC
Nous sommes handicapés
Nous sommes homosexuels
Nous ne sommes pas nés dans le sexe que nous sommes
Nous sommes des immigrants
Nous sommes des indigènes
Nous sommes une minorité
Nous sommes des femmes
Nous sommes divers
Et nous sommes des humains
Nous existons
Il y a des jours où j’ai assez de force
Assez de force pour rédiger la vérité
Assez de force pour autoriser des larmes
Assez de force pour me tenir au courant sur ton sujet
Pour supporter la douleur qui fait ravage sous ma peau
Et puis il y a les autres jours
Où tout à coup, de plein fouet,
Mon miroir éclate
En un milliard de fragments de verre
Coupé à la main par leur tranchant
Et les récepteurs de douleur m’arrachent à mon désespoir
Dans de minuscules éclats
Ce ne sont qu’encore mes fragments qui restent
Des morceaux brisés par la terreur
Dorénavant, je ne suis plus un tout
Mais aussi si ce n’est qu’une petite partie
Gardant la volonté de vivre
Cette partie est suffisante à la survie
Tant que l’eau salée coule le long de nos joues
Reste conservée notre humanité
Notre existence
Que tu es incapable d’étouffer
Comme une couverture le feu
Moins quelqu’un en sait
Plus il croit fermement avoir raison
Et plus il déteste
Ceux qui ne partagent pas son opinion
S’il te manque en savoir
Et l’amour t’est refusé
Je n’ai donc pas d’autre choix
Que ressentir de la pitié
Il se peut que je n’existe pas dans tes yeux
Mais j’existe pour des autres
J’existe pour ceux qui m’attendent au travail
J’existe pour ceux avec lesquels je danse toutes les semaines
J’existe pour ceux qui trouvent que je ne sais pas me garer
J’existe pour ceux qui m’appellent quand ils vont mal
J’existe pour ceux qui visiteront ma tombe un jour
J’existe pour ceux chez qui je rentre le soir
Je me tiens ici
J’existe
L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité
Seule la lumière le peut
Nous sommes des mères
Nous sommes des sœurs
Nous sommes des frères
Nous sommes des pères
Nous sommes des conjoints
Nous sommes des filles
Nous sommes des fils
Nous sommes des professeurs
Nous sommes des élèves
Nous sommes des vendeurs
Nous sommes des facteurs
Nous sommes des criminels
Nous sommes des juges
Nous sommes des poètes
Nous sommes des penseurs
Nous sommes des destructeurs
Nous sommes des aidants
Mais avant tout, nous sommes des humains
Nous existons
Nous sommes terrifiés et nous nous tenons ici
Parlons et laissons parler
Cela marque la différence
Car toi, tu as peur
Et tu nous interdis la parole
Alors on hurle
Alors on crie
On hurle à haute voix ou dans le silence absolu
Peut-être tu as gagné une bataille
Mais la guerre, tu la perdras
Car pour ressortir d’une guerre vainqueur
Une condition incontournable est l’amour
On nécessite quelqu’un qui fournit un pansement
Si on mène le combat pour la vie, mutilé
Même si nos éclats de verre sont sur le sol, éparpillés
De toute façon, tout demeure dans un chaos
Particulièrement dans la folie que nous vivons
Même si un ensemble n’est plus à discerner
La seule certitude que nous avons
On ne voit bien qu’avec le cœur
L’essentiel est invisible pour les yeux
Nous ne sommes pas aveugles
Nous voyons le désastre avec le cœur
Et nous hurlons
Nous n’allons pas arrêter
Parce que nous existons
Quelles que sont tes lois
Sois sûre d’une chose
La dignité humaine est inviolable
J’ai existé
J’existe
Et j’existerai