La danseuse désemparée

Elle est là 

Dans un coin de la scène 

Tremblante, palpitante, 

Un éclat d’étoile tombé sur ce bois de feu

Elle danse 

Ou bien est-ce le monde qui vacille autour d’elle ? 

Son corps, disloqué, s’enflamme 

Au souffle d’une musique endiablée 

Que toi seul ne peux entendre

Ses jambes, ses bras, ses doigts 

Mille oiseaux d’or voletant dans l’air immobile 

Elle est prisonnière

Mais de quoi ?

De ce rêve de lumière 

De ce gouffre étincelant où elle se perd 

Où elle croit exister 

 Le battement de ses pas dit oui

 Le mouvement de sa hanche dit toujours 

L’espace lui répond,

l’aspire, 

la dévore,

la fait renaître… encore et encore 

Toi, tu la regardes 

Mais la vois-tu seulement ? 

Tu veux qu’elle tombe. Qu’elle s’arrête. 

Que la fièvre retombe et qu’elle soit, enfin, 

un corps docile, une chose sans feu, 

qu’un silence glacé éteindrait doucement.

Mais elle brille, tournoie et vit.

L’espoir danse sur ses cils, 

comme le reflet de l’aube sur une mer indomptée. 

Toi, noyé dans cette clarté, 

tu deviens l’ombre de son âme écarlate.

Elle s’envole

Elle défie la gravité 

S’élève sur la pointe de l’instant 

Le grand jeté infini 

Devant le néant irisé 

Une seconde suspendue

Une éternité 

Où elle est tout 

Où elle est libre

Où elle est Divine 

Puis… elle chute 

Rupture

Silence

Le rideau tombe 

 

Tu es seul

Dans l’obscurité.